Data : Digital et gouvernance, deux âmes sœurs

[Cet article rédigé par Sabrina Menasria provient d’Océan Bleu 2020, que vous pouvez retrouver sur la page des téléchargements.]


Nous avons tous la connaissance des données de nos entreprises, si tel n’est pas le cas, ceux qui ont cette information savent nous remonter les éventuels dysfonctionnements. Mais souvent la vérité est ailleurs. Le croisement de données permet de changer complétement une vérité, de premier niveau, qui nous a fait prendre une direction inadéquate. Développer plus de profondeur dans l’analyse des données, ne serait-ce que grâce au croisement de ces données, permet souvent de faire un apparaitre un second niveau beaucoup plus proche de la réalité et des attentes du marché/usagers.

 

 « Ça n’a pas changé grand-chose, à part la joie des chefs de projets de se prendre pour des Bill Gates ». Voilà comment Guillaume Pepy, ancien président de la SNCF, résume en 2019 dans un discours cinglant, la digitalisation de son entreprise. Le digital est apparu dans nos organisations avec l’illusion qu’il allait tout porter. Et derrière le côté humoristique émerge un constat : digitaliser n’est pas transformer.

Le digital nous a propulsés dans l’ère numérique, nous a permis de vivre avec notre temps. Il a créé deux mondes dans les organisations ; le monde moderne et digital, porté par les digital natives qui font vite et sont dans les tendances et l’Ancien Monde, plus dense et robuste, porteur du legacy et du poids de l’histoire de l’entreprise. Et il n’y a pas de miracles, ce n’est pas en mettant un vieux téléphone fixe à côté d’un smartphone qu’on va les faire communiquer. La connexion se joue ailleurs, dans des réseaux plus profonds à mettre en œuvre… Et en matière de connexions, il est un domaine qui réunit tous les métiers : celui de la data.

De manière subtile, en arrière-plan, nos systèmes sournois produisent de la donnée, en abondance. Partout. Dans tous les départements, tous les environnements. Nul n’est épargné, la technologie est partout et enfante en continu de la data, contribuant à créer les annales et le Graal, le pétrole noir sur lequel l’entreprise peut apprendre avant tout d’elle-même, mais aussi de son environnement, de ses clients et du monde.

On comprendra que ces insights sont précieux. Je me souviens d’un cas où une entreprise avait un grand nombre de retours sur son site e-commerce sur des rouges à lèvres. En analysant les données analytiques, les équipes digitales se sont ruées dans le bureau du marketing, en se plaignant d’un produit inefficace qui ne plaisait pas au client. Le digital a crié qu’il était puissant… Le marketing a alors revu sa stratégie sur ce produit, ne disposant que de cet entrant dans les systèmes analytiques. La composition du produit a été revue et des millions ont été dépensés…

La vérité est qu’ils ne disposaient que des données digitales pour comprendre ce produit et l’avis des clients. Nous avons plus tard mené un projet de croisement des données « product centric and customer insight », réunissant plus d’une dizaine de départements autour de la table.

Une gouvernance a été mise en place, car chaque département détenait une partie de la data : les opérations les retours à l’entrepôt, les commerciaux « BtoB », les ventes et retours des distributeurs et les « digital teams » pour le CRM et les insights des clients qui venaient sur notre site e-commerce. Nous avons découvert que pour nos clients BtoB, les données montraient que ce produit semblait très apprécié. Ce constat nous a poussés à croiser plus en profondeur nos données et comprendre finalement que les retours étaient liés à la représentation des teintes qui  étaient de mauvaise qualité et éloignées de la vraie couleur du produit. Les clientes, en recevant leur commande, ne reconnaissaient pas la teinte qu’elles avaient vue sur le site et renvoyaient à l’expéditeur.

Cet exemple est à mon sens symptomatique du meilleur comme du pire d’un usage monolithique de la donnée, et nous démontre que :

   Aucun département ne détient la vérité suprême

   Une même réalité recouvre plusieurs angles de vue

   Le poids de certains services (services avec le vent en poupe, forte personnalité du dirigeant du département, appétence du CEO du groupe…) crée une distorsion dans les organisations. Certains services détiennent plus d’aura que d’autres et font donc entendre leur voix sans que puisse leur être apportée une contradiction factuelle et objective.

La définition d’une stratégie data efficace et d’une gouvernance adaptée permet d’éviter ces travers, et de faire concourir l’organisation vers une vision commune et factuelle. Encore faut-il développer une vision « data object » agnostique des départements. Encore faut-il identifier les données de l’organisation : qui les produit, qui les utilise, qui est propriétaire des décisions qui s’y appliquent, et qui joue le rôle de chef d’orchestre capable de donner un sens aux règles d’entreprise applicables aux données. La gouvernance de la donnée s’avère indispensable pour apporter la vue data-centric nécessaire à tous les acteurs de l’entreprise. La data hait les silos, car ils tronquent la réalité factuelle qu’elle est censée apporter. Elle atomise en quelque sorte nos organisations, et permet grâce à l’intelligence collective de les transformer.

Ainsi, la digitalisation de nos organisations, indispensablement associée à une gouvernance des données de l’entreprise, contribue à la transversalité et donc à l’horizontalisation recherchée aujourd’hui.  En contribuant à l’essor du principe de TRANSPARENCE qui évite les « chasses gardées » de certains départements ou les vérités cachées, la data désintermédiarise l’organisation ou « l’Uberise » en quelques sortes. Tout un chacun peut y avoir accès directement et en CONFIANCE grâce à une gouvernance efficace.

Il restera néanmoins une seule question en suspens lorsque les stratégies data et leur gouvernance auront été mises en place efficacement dans les entreprises :

Que ferons-nous de nos organisations ?

 

 

Sabrina Menasria Data & Transformation strategist – Singularity