[Cet article rédigé par Marc Borry provient d’Océan Bleu 2020, que vous pouvez retrouver sur la page des téléchargements.]
En 2013, les principales inquiétudes étaient de voir la gestion documentaire devenir individuelle au détriment d’une gestion au niveau de l’organisation.
C’était une nécessité de maîtriser la gestion des flux d’information plutôt que les contenus eux-mêmes et le développement d’une culture d’entreprise collaborative dans un monde habitué à la compétition et à la valorisation de la performance individuelle.
En moins de dix ans sont apparus des éléments qui ont modifié ou amplifié ces préoccupations : l’élargissement du mode collaboratif à tous les aspects de l’économie et de la société, le renouveau de l’intelligence artificielle au travers du « machine learning » et du « deep learning » et l’émergence du rôle clé des connaissances organisationnelles dans une dynamique innovante.
Ces éléments ont une profonde influence sur les trois dimensions du fonctionnement des entreprises : l’organisation, le cadre et les usages.
Impact sur l’organisation
Si certains nouveaux rôles avaient été prédits dès 2013, autour de la collaboration, de la gestion des informations critiques, du numérique ou de l’architecture technique, on a surtout vu un estompement des frontières données-information-connaissance. Les fonctions transversales sont apparues, même si elles ne sont pas encore clairement affichées comme telles.
L’apparition des « Data Protection Officers » (DPO) à la limite entre droit et technologie, des « Data scientists » à la limite entre technologie et gestion, des responsables de la transformation numérique appelés à combiner numérisation et gestion des ressources humaines… témoigne d’un nouveau besoin de transversalité.
À côté des traditionnels experts vers lesquels on continue à se tourner tant que l’intelligence des machines ne pourra leur être substituée, apparaissent des êtres hybrides dont l’expérience permet de maîtriser plusieurs domaines et dont l’ouverture d’esprit permet d’envisager de nouvelles approches.
Impact sur le cadre
La gouvernance de l’information offrait déjà le cadre dont avait besoin la gestion des connaissances pour revendiquer une place dans les organisations. Le lien a acquis désormais toute sa légitimité grâce à l’apparition d’une nouvelle norme : la norme ISO 30401 :2018 sur les exigences d’un système de gestion des connaissances, elle-même issue de l’adaptation de la norme qualité ISO 9001 dans sa version de 2015 introduisant l’importance des « connaissances organisationnelles ».
Cette nouvelle norme offre non seulement le nouveau cadre dans lequel gouvernance de l’information et gestion des connaissances pourront se développer, mais officialise aussi leur lien par l’intermédiaire des attentes en matière de leadership, planification, support, réalisation des activités opérationnelles, d’évaluation des performances et d’amélioration. Elle pousse la synergie jusqu’à impliquer la culture d’entreprise dans la démarche.
Impact sur les usages
Le développement inexorable de l’intelligence artificielle dans tous les aspects de la vie économique et sociale est le point d’orgue de cette mutation des entreprises. En offrant des fonctionnalités de gestion et d’interprétation des données accessibles, elle ouvre la voie à une nouvelle dimension de la gestion des connaissances : l’émergence d’une intelligence hybride combinant la force des technologies et les capacités et l’expérience humaines.
Il y a près de dix ans, « Océan bleu d’informations » donnait la parole aux experts pour affirmer l’importance de la collaboration et de la nécessité de disposer d’un cadre.
Ces aspects restent bien présents aujourd’hui, mais connaissent une nouvelle dimension : la collaboration homme-machine dépasse la seule collaboration entre hommes et le cadre devient celui d’un monde réinventé, transformé par l’intelligence artificielle et où la connaissance est appelée à jouer un nouveau rôle fédérateur.
Marc Borry – Premier conseiller – Police Fédérale de Belgique
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